En perdant sa complexité, l'architecture a cessé d'être le support de l'animation urbaine. Par "ECONOMIE" les "enveloppes bâtiments" se simplifient à l'extrême et ce dénuement transforme en conflit le rapport dialectique du plein et du vide.
Les façades (surfaces de contact) étaient jusqu'alors des éléments d'espace et de TRANSITION: elle sont aujourd'hui d'arides frontières.
Intérieur (espace fonction) extérieur (espace relation) s'affrontent violemment sans se recouvrir.
Victime de cet appauvrissement, le piéton subit l'agressive opposition des composantes de l'espace. Il se heurte sans cesse aux parois d'architecture programmées pour elles-mêmes et qui l'ignorent totalement.
La ville contemporaine n'est plus un corps unitaire.
Le cloisonnement des fonctions urbaines encouragé par le découpage juridique et foncier émiette les composantes de la ville.Les architectures d'architectes se juxtaposent. Cette fragmentation est encore accusée par les jeux des prospects : interprétation administrative des données écologiques (lumière, vent, etc.). L'apparition d"espaces libres" hors d'échelle contribue à distendre au point de disloquer les relations du plein et du vide. Pour répondre à cette désintégration des fonctions et de l'espace "le paysagiste" réhabilite le vieux mythe de l'espace vert ou parsème les fétiches de la ville ancienne sans comprendre qu'il y avait alors entre l'architecture et la rue une homogénéité de programme et de style qui liait étroitement l'un à l'autre et faisait de l'un le support de l'autre.
Pour situer le "CORRECTEUR" au-delà de sa traduction actuelle et pour comprendre la place que nous entendons lui donner dans son contexte opérationnel, il faut le replacer dans le cadre chronologique d'une étude qui ne le considère pas comme un aboutissement. Toutes les propositions montrées ici tentent une parade à l'agressivité architecturale, a la mono-fonctionnalité des enveloppes construites, d'où la notion de "correcteur". Elles s'inscrivent toutes dans un processus économique qui provoque un urbanisme cloisonné (non intégré). Il faut donc s'appliquer à ne pas dissocier les phases de cette recherche pour plaquer l'une ou l'autre solution sur un cadre préétabli, mais voir qu'elles conduisent invariablement à déborder les cadres rigides de l'espace libre. La phase ultime de cette recherche serait de redonner la continuité à tout l'espace urbain en remodelant les programmes et les formes. "L'ARCHITECTURE" DE LA VILLE RESTE A FAIRE.
La ville devrait être un ensemble complexe où les pleins et les vides ne seraient que les extrémités d'une chaîne continue de stations-relations : continuité des programmes, continuité des espaces; ces critères sont bien entendu inconcevables dans la politique actuelle des zoning. Les éléments proposés sont préparatoires au fait architectural. Ils tentent de retrouver le support perdu, de conquérir une échelle suffisante pour "ACCÉDER" à l'architecture. Ils sont dans une première étape les supports d'un programme simple où la fonction est explicite. Ils surpassent déjà par leur taille.Ils regroupent autour, ou sous eux, des éléments de services (mobiliers) pour leur éviter l'insupportable concurrence d'échelle qui les subordonnent et les isolent de l'architecture.Dans une deuxième étape, ils estompent leur image fonctionnelle. Ils échappent au "DESIGN" des unités de service (groupement plus ou moins complexe de carrosseries fonctionnelles) dont l'ensemble plus cohérent que l'unité reste cependant isolé et non intégré à son contexte.
Ils créent le contexte plutôt que s'y soumettent, c’est-à-dire qu'ils composent par groupement une aire compacte où l'élément disparaît au profit d'une nappe support d'animation. Par la rotation d'un ou plusieurs de ses composants l'élément dépasse son propre espace pour contrôler un ESPACE VIRTUEL. Il joue à cet égard un rôle "correcteur". La mise au point d'un "élément correcteur" profite du champ d'expérience offert par l'ensemble de la "Défense".
Cette proposition s'intègre à la réalité d'un secteur urbain qui n'est plus à commenter et, à cet égard, le "correcteur" peut très bien s'illustrer comme le nouveau "GADGET" illusoire d'un lieu où la pratique sociale a depuis toujours disparue, et cependant…
Dans ce désert de dallage, il crée un pôle, une halte, un lieu qui regroupe et recentre pour redistribuer. Il garde toutes les affinités de l'extérieur et préfigure l'intérieur: il est PRE-ARCHITECTURAL.
Faute d'être architecture, ou partie intégrante de l'architecture, il s'en éloigne et s'individualise: c'est un élément autonome qui contrôle l'espace. Son échelle est INTERMÉDIAIRE, elle n'appartient ni au piéton qui le pénètre, ni a l'architecture qui le domine, mais à la relation des deux.
Intime et volumétriquement important, il appartient à l'échelle majeure de l'espace libre. Il dispute à l'ARBRE, dans un contexte très urbain, sa perméabilité et son ampleur.
Texte signé Ciriani-Corajoud-Huidobro, publié dans la revue CREE, Créations et recherches esthétiques européennes N°14 - Mars/Avril 1972
A l'époque l'association Henri Ciriani, Borja Huidobro et Michel Corajoud au sein de l'AUA, était consacrée aux études de ce qu'ils appelaient le "paysage urbain". Cette publication se rapporte au projet pour la dalle de la Défense.
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