Fin 2005, alors qu'on fêtait les quarante ans de la mort de Le Corbusier, Le Monde 2, supplément hebdomadaire du journal Le Monde, publiait dans son numéro 98, "Les photos de l'année 2005", un dossier consacré à Le Corbusier. Dans le chapitre "Faut-il brûler Le Corbusier?" étaient publiés quatre témoignages d'architectes: Roland Castro, Olivier Chaslin, Paul Chemetov et Henri Ciriani.
Ci-dessous la réponse de Ciriani:
La pensée de Corbu se situe à une époque historique précise, l'époque héroïque de l'entre-deux-guerres, dont l'enthousiasme débridé, l'ambition esthétique et la foi sans faille dans le progrès sont les caractéristiques majeures. Tout dans l'époque actuelle s'y oppose.
Les principes d'urbanisme de Corbu --La Charte d'Athènes-- étaient des efforts pour rationaliser les activités humaines dans le but d'éclairer la pensée urbaine afin de résoudre des problèmes tels que l'hygiène (horreur des cours d'immeubles rendues responsables des maladies) ou le mitage du territoire. Ces principes simples furent détournés par l'avidité des intérêts économiques s'emparant de cette esthétique de la nudité à laquelle fut enlevée toute la générosité spatiale.
Ce que nous devons conserver de l'héritage de Corbu, c'est sa foi, sa capacité à créer un projet unique pour une architecture où se mêlent avec la même intensité l'idéologie, l'ergonomie, le confort humain et la technologie. Ce n'est pas sa pensée qui fait des dégâts mais son détournement, c'est surtout que sa pensée est tombée dans les mains de gens sans scrupule ni talent.
Grâce au plan Voisin, Corbu sut attirer l'attention de ses contemporains sur l'urbanisme moderne, sa transgression, sa rupture avec la ville du passé, sa force, son idéal... sa nouveauté. Aujourd'hui, les détracteurs de Corbu ne cherchent qu'à se faire remarquer cas ils n'incarnent pas une nouvelle pensée urbaine ni ne font preuve d'une grande créativité. C'est par leur opposition à Corbu qu'ils trouvent un écho médiatique.