Le
concept architectural: le triangle, en écho à l’architecture romaine, pour
capter la lumière
Le
triangle est une figure qui s’articule en hélice autour d’un centre. Il répond
parfaitement au programme qui demandait un circuit court et un circuit long.
Mais il représente aussi une sorte de défi: fermé sur lui-même, il est
indéformable au niveau constructif, à l’opposé en cela d’une certaine image de
l’espace moderne, par définition libertaire, qui aurait plutôt tendance à
s’échapper. Comment laisser ouvert un triangle sans dénaturer son essence
triangulaire? Cette interrogation rejoint mes préoccupations de toujours:
comment fermer un espace ouvert, comment ouvrir un espace fermé? L’hélice, en
traitant son centre vide et théoriquement fermé, en l’ouvrant sur le ciel et en
construisant le long de ses bras, permet qu’on ouvre l’espace sur les trois
directions.
Le
programme s’intègre logiquement dans cette figure, avec ses trois secteurs: le
scientifique (qui regroupe les opérations de restauration, d’exposition
temporaire puis de stockage ainsi que l’école de fouilles), le culturel (où
s’effectue l’enseignement, avec foyer, bibliothèque, auditorium, école des
guides et administration) et l’exposition permanente.
Les
secteurs scientifique et culturel forment deux bâtiments qui tiennent entre eux
le musée proprement dit. Ils sont travaillés dans une relative souplesse car
leur façade, constituée par des parois autonomes revêtues d’Emalit bleu, ne
leur appartient pas. La symbolique et l’échelle de ces parois n’ont pas à tenir
compte d’une logique interne particulière.
La
façade principale est perpendiculaire à l’écluse du canal d’Arles à Bouc, ce
qui permet d’ancrer le bâtiment sur un élément artificiel. Cette première
paroi, face à la ville ancienne, n’a pas de développement. Elle est l’acte
fondateur du projet en même temps que la façade de l’immense cirque qui la
jouxte et dont les fouilles sont en cours. Derrière elle, l’aile culturelle
apparaît comme un bâtiment blanc sur pilotis à l’interieur de la cité. De cette
première paroi naît la seconde, face au canal, qui va gouverner l’aile
scientifique vers la pointe de la presqu’île, laquelle introduit le musée face
au Rhône avec son extension vers la ville.
Au
centre, le patio contient un grand escalier qu’on emprunte pour achever sur le
toit le parcours muséographique. Cet élément remplit le vide central, donne la
direction de l’hélice en même temps qu’il la stoppe. On arrive à la hauteur de
la cime des arbres. Le musée ici se fond avec son territoire. Ce toit constitue
la quatrième façade de l’édifice, tout aussi importante que les trois autres et
révélatrice de l’organisation interne par son système d’éclairage zénithal.
L’architecture de l’ensemble est très dépendante du captage de la lumière; Un ensemble de sheds ouverts au nord conduit la lumière loin du périmètre de la façade. Ce type d’éclairement issu du monde industriel a gagné dans le musée un statut proprement architectural. Ici il forme des vagues de lumière blanche et homogène qui paraissent ruisseler, échappant au plafond.
L’architecture de l’ensemble est très dépendante du captage de la lumière; Un ensemble de sheds ouverts au nord conduit la lumière loin du périmètre de la façade. Ce type d’éclairement issu du monde industriel a gagné dans le musée un statut proprement architectural. Ici il forme des vagues de lumière blanche et homogène qui paraissent ruisseler, échappant au plafond.
Un
autre type de lumière (qui peut être qualifiée de réfléchie) est obtenue par
des potences qui captent la lumière solaire et lui donnent une texture plus
colorée. Enfin, les lumières dites « de vue » entrent par des
ouvertures toujours cadrées sur le paysage et mises en tension pour que
l’espace ne s’échappe pas.
L’Emalit
bleu teinte cette lumière d’une nuance plus froide. Ce matériau et cette
couleur étaient déjà présents dans des projets plus anciens (notamment celui de
l’Opéra-Bastille) où ils obéissent à une syntaxe précise (bleu pour les
éléments contextuels, rouge pour les parties clairement fonctionnelles). A
Arles, le bleu se réfère plus simplement à la couleur du ciel provençal, si
intense.
Les
évolutions du programme depuis le moment du concours ont déjà permis de
vérifier la pertinence de la figure triangulaire. Ce qui était le musée de
l’Arles antique est devenu l’Institut de Recherche sur la Provence Antique. On
est passé de 6000 à 7400 m2 sans qu’en soit affecté le concept de base.
MUSÉOGRAPHIE DU MUSÉE DE L’ARLES
ANTIQUE
Nous avons voulu renouer avec le musée
palais de l’art au même titre qu’outil pédagogique, lieu où se trouvaient les œuvres
créées sous l’emprise des muses et où se réunissaient les sages. Nous voulions
ajouter aux missions de montrer, enseigner et comprendre, celle d’émouvoir.
Le choix des matériaux fut
fondamental, ainsi que les techniques de leur exécution visant à intégrer l’art
pictural autant dans les cartes, plans et dessins que dans les textes, dont
certains sont de grandes textures murales. Le stucco antico des cimaises permet une polychromie adaptée à la
collection tout en véhiculant des sensations proches du caractère festif des
monuments de la « petite Rome. »
Le caractère unitaire de l’ensemble
muséographique tient au respect d’un vélum de 2,30 m d’où n’émerge que le buste
monumental d’Auguste.
Chaque partition de l’espace est
organisée pour offrir à la pièce montrée la protection nécessaire à sa présence
sous le manteau unitaire des nuages de stuc qui planent à plus de cinq mètres
de hauteur.
Le parcours suit chronologiquement
l’histoire du pays d’Arles, depuis la préhistoire jusqu’au christianisme en
passant par la période hellénistique et la colonie romaine.
La collection elle-même est
représentée avec trois temps forts: le centre de l’exposition accueillant la
statuaire, la fosse aux mosaïques et l’allée des sarcophages.
Une grande quantité d’information
écrite est distillée discrètement au travers du musée dans le but d’accomplir
un petit rêve commun à tout enfant: pénétrer l’intérieur des pages illustrées
d’un livre.
Nous comptons sur la grande qualité
des matériaux, sur leur mise en œuvre, ainsi que sur la qualité artistique des
intervenants pour faire que rien ne détonne dans un ensemble qui devra
apparaître parfaitement maîtrisé, où les parties appartiennent au tout et
réciproquement.
Henri Ciriani
Mars 1995
Textes du dossier de presse pour l'inauguration du bâtiment le 25 mars 1995
(les illustrations ont été ajoutés pour le blog)