VIVRE HAUT A SEOUL 15 AU 22 DECEMBRE 2012
Une exposition de dessins originaux et agrandissements photos ayant servi à illustrer le livre "Vivre haut" de Ciriani et Beaudouin, avec Christian Devillers, s'est ouverte aujourd'hui dans la Gallerie Xi de Séoul en présence d'Henri Ciriani. Elle a été subventionnée par l'agence "Chang-jo Architects" à Séoul.
DISCOURS DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE AU LOUVRE LE 20 SEPTEMBRE 2012
"...Car c'est une agression à l'égard de toutes les civilisations quand le patrimoine est saccagé, nous serons là pour lutter contre les groupes mus par l'insondable bêtise, qui rend chaque civilisation vulnérable..."
Cet extrait du discours du président s'applique à certains pays lointains où des monuments sont saccagés régulièrement.
J'invite le Président de la République, et sa ministre de la Culture, à se pencher sur les dégradations qui s'opèrent dans notre pays ces derniers temps, dont le musée d'Arles n'en est qu'un exemple.
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ARCHITECTURES EN PÉRIL, le Monde du 8/9/12
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© Le Monde |
Architectures en péril
Le Musée de l’Arles antique fait l’objet d’une extension
sans l’accord ni la consultation d’Henri Ciriani, l’auteur du bâtiment
originel. La justice devra se prononcer sur cette affaire, qui pose la question
du statut fragile du patrimoine de la fin du XXe siècle
CHRISTINE DESMOULINS
Arles, envoyée spéciale
Que dirait l’architecte Ieoh Ming Pei si sa Pyramide du
Louvre était décapitée et agrandi, à son insu, par un architecte salarié du
musée ? La même mésaventure est arrivée à Henri Ciriani, 75 ans, qui a
conçu en 1995 le Musée de l’Arles antique, riche en trésors archéologiques
trouvés dans la terre de la cité provençale ou dans le Rhône.
Sans demander son autorisation, le conseil général des
Bouches-du-Rhône a décidé d’adjoindre à ce musée aux lignes épurées et d’un
bleu profond, une extension de 800 m2. Les travaux seront finis fin
2012. C’est en recevant une invitation à la pose de la première pierre, en
décembre 2011, que l’architecte a découvert ce projet. « Nous n’avons pas réussi à joindre Ciriani pour le
consulter », dit-on au département.
Henri Ciriani n’est pas n’importe qui. Grand Prix
national d’architecture en 1983, Médaille d’or de l’Académie d’architecture en
2012, enseignant célèbre, ce Péruvien d’origine a construit à Lima (Pérou),
Paris, Marne-la-Vallée, Evry, Saint-Denis (nord de Paris), Colombes
(Hauts-de-Seine), Rocquencourt (Yvelines), Péronne (Somme), La Haye (Pays Bas),
etc. Ses projets sont publiés dans des revues aux quatre coins du monde. Son
projet arlésien, installé hors de la ville, près du Rhône, a été choisi après
un concours international. Il est labellisé « musée de France ». Ce
triangle ouvert en ses angles, salué par la critique, figurait parmi les
finalistes du fameux prix Mies van der Rohe.
L’adjonction est en cours de réalisation. Là où un patio
s’ouvrait vers le fleuve dans un jeu de transparences et de poteaux, un
parallélépipède massif obstrue désormais l’angle nord démoli de la façade
principale. La deuxième façade est prolongée de 17 mètres et un volume opaque « engrosse »
la troisième. « C’est plus qu’une
extension, s’émeut Henri Ciriani, que l’on sent meurtri. Plusieurs éléments sont dénaturés : l’autonomie
de la façade, le hall, le parcours en boucle, la lumière naturelle zénithale !
L’angle nord du triangle en hélice est une partie essentielle. Il a été saccagé
par des bulldozers ! »
Le conseil général a voulu cette extension, en 2007, pour
abriter d’autres trésors « pêchés » dans le Rhône, surtout un chaland
romain de 30 mètres (bateau à fond plat de marchandises). Marseille ayant été
élue « Capitale européenne de la culture » pour 2013, on choisira d’aller
vite pour faire concorder les calendriers. Le département, présidé par
Jean-Noël Guérini, ne consulte pas l’architecte et ne fait pas de concours,
réalisant le projet en interne (6 millions d’euros).
Deux architectes salariés du département sont intervenus
sur l’extension : Gérard Lafont, qui était jusqu’à cet été directeur
général adjoint de la construction, de l’environnement, de l’éducation et d
patrimoine, et Jean-François Hérelle, responsable de l’Atelier départemental de
maîtrise d’œuvre. Ce dernier évoque son « humilité » et sa « responsabilité »
face à l’œuvre de Ciriani. Mais durant une visite de chantier, il a surtout
affiché sa fierté d’offrir un « écrin »
au chaland romain et à d’autres œuvres, un sentiment partagé par le
conservateur du musée. M. Hérelle ajoute, avec une satisfaction visible, que le
bâtiment de Ciriani, notamment son angle nord, serait une invitation « opportune » à y « glisser l’extension comme un diverticule
greffé sur le parcours ».
Sitôt les faits connus, des personnalités et des
institutions architecturales du monde entier ont demandé à Frédéric Mitterrand,
alors ministre de la culture, et a Jean-Noël Guérini l’arrêt des travaux et la
restitution de l’œuvre originelle. Le critique d’architecture François Chaslin
en fait un cas d’école, et l’architecte et théoricien Kenneth Frampton, a
envoyé une lettre salée, le 6 avril, à M. Guérini : « Il n’y a pas de mots pour exprimer le choc
et la répulsion que j’i ressentis lorsque j’ai été informé de l’intervention
barbare que votre administration a cru bon d’infliger à l’un des plus
magistraux bâtiments réalisés en France lors de la dernière décennie. »
Jean-Paul Cassulo, président du conseil régional de l’ordre des architectes de
Provence-Alpes-Côte d’Azur, ajoute que « le département, dans la précipitation, n’a pas mesuré l’importance
patrimoniale de ce bâtiment ».
Ces interventions sont restées lettre morte. En mars, une
conciliation menée par le conseil de l’ordre des architectes a échoué. Henri
Ciriani a proposé d’amender l’extension, en vain. Pourtant, les architectes,
dont l’œuvre est modifiée sont presque toujours consultés. Claude Vasconi l’a
été quand son bâtiment « 57 Métal » (1984), à Boulogne-Billancourt
(Hauts-de-Seine), a été remanié par Jakob MacFarlane vingt ans après sa construction.
Claude Parent l’a été lors de la réhabilitation de la maison de l’Iran à la
Cité universitaire de Paris (1969). Ciriani lui-même l’est pour deux extensions
prévues pour son palais de justice de Pontoise (Val d’Oise) et son musée l’Historial
de la Grande Guerre, à Péronne.
Cet ajout arlésien verra donc le jour sans concertation.
Aussi, l’architecte est décidé à porter l’affaire devant le tribunal de grande
instance, avec le soutien du conseil national de l’ordre des architectes. Le
débat s’annonce serré. Une loi de 1957 donne bien à l’architecte un « droit moral » sur sa construction s’il
s’agit d’une œuvre « originale ».
Mais la jurisprudence limite ce « droit
moral » au nom d’un « droit
d’usage » pour le propriétaire ou l’utilisateur.
Dans les faits, nombre de bâtiments anciens réalisés par
des architectes décédés font l’objet de transformations sans susciter de
polémique. Parfois les héritiers les contestent. Le cas le plus marquant est
celui d’un imposant bâtiment à Paris, conçu dans les années 1920 par Georges
Vaudoyer. En 2004, l’État, propriétaire du bâtiment, l’a fait rénover et
envelopper d’une résille métallique. Les trois petits-fils de l’architecte,
choqués, ont obtenu la condamnation de l’État par le tribunal administratif à
un euro symbolique. Mais le ministère de la culture, qui occupe ce bâtiment et
qui craignait que cette affaire nuise à son image, a, en 2007, versé 300 000
euros d’indemnités aux héritiers pour clore le conflit.
À Arles, les avocats de Ciriani devraient parvenir sans
peine à prouver que son musée est bien une « œuvre originale ». Mais le conseil général, convaincu d’avoir
agi sans fautes, va opposer son droit d’usager et de propriétaire. Il met en
avant les compétences de son atelier d’architectes et estime respecter le code
des marchés publics. Jean-François Hérelle ajoute que « la seule possibilité d’extension »
résidait dans cet angle nord-est de la façade. Monique Agier, directrice
générale des services au conseil général, défend pour sa part un « beau projet au calendrier contraint »
et explique : « Lancer un
concours d’architectes était difficile. Cette extension présentait une part d’inconnu,
car on n’a pu connaître que très tardivement les dimensions exactes de l’épave
du bateau, pour laquelle ce bâtiment est prévu. Avec un architecte extérieur,
les corrections du projet auraient entraîné avenants et retards. »
Cette appréciation n’est-elle pas abrupte ? Nombre d’architectes
habitués à intervenir sur les musées expliquent que tout programme bien monté
offre une souplesse. Ils en usent habilement en jouant les bernard-l’ermite
pour installer des œuvres de grande taille et des extensions dans des monuments
aussi contraignants que le triangle arlésien. Monique Agier avance un autre
argument : il était « interdit »
de confier l’extension à Ciriani, il fallait passer par un concours, un autre
architecte aurait pu l’emporter, dont le projet n’eût pas forcément été
conforme aux souhaits du constructeur. « Nous, nous respectons son architecture, ses matériaux, son langage et
la volumétrie d’une extension qu’il avait dessinée », affirme-t-elle.
Ce que réfute l’intéressé, affligé par la sottise de ce mimétisme de matériaux
pour une greffe d’architecture qu’il juge disproportionnée.
Pour Ciriani, le département n’a pas apporté à ce projet « le temps nécessaire à l’étude du bâtiment à
prolonger. Il n’a pas pris en considération qu’il s’agissait d’une œuvre de l’esprit
et non de mètres carrés à compléter pour loger de nouvelles collections ».
Pour lui, « l’augmentation de
surface pouvait trouver sa place dans l’enceinte du musée avec une modification
du cloisonnement ». Son avocat, Didier Bernheim, plaidera la
dénaturation de l’œuvre. Il dénoncera « l’absence de concertation » et la décision de recourir à des
services qui « n’ont ni l’expérience
ni les compétences pour un ouvrage de cette importance ».
L’architecte peut-il aller jusqu’à obtenir la remise en
état de son bâtiment ? La réponse est plus nuancée, toujours en raison de
la vocation utilitaire du bâtiment. La Cour de cassation, dans un arrêt du 11
juin 2009, fixe l’équilibre entre les prérogatives de l’auteur et celles du
propriétaire. Ainsi les modifications apportées à l’œuvre architecturale d’origine
ne doivent ni excéder ce qui est nécessaire ni être disproportionnées par
rapport au but poursuivi.
Pour une œuvre d’art ou un monument classé, la
jurisprudence aurait été plus nette : toute destruction ou dénaturation
est condamnée. Justement, le Musée de l’Arles antique ne peut-il être élevé au
rang d’œuvre d’art ? Les arguments ne manquent pas : c’est un lieu
culturel et patrimonial, il est unique dans ses formes, est signé par un
artiste réputé. Sur cette question, le tribunal tranchera.
Ce conflit soulève une question culturelle : quel
statut donner au patrimoine de la fin du XXe siècle, trop récent
pour être protégé au titre des Monuments historiques ? Nous sommes dans ce
que Pierre-Antoine Gatier, président d’Icomos France, association chargée de
protéger et valoriser le patrimoine architectural, qualifie de « temps suspendu entre le moment où une œuvre moderne
est livrée et celui où elle accède au rang de patrimoine protégé ».
Temps suspendu, donc fragile malgré l’existence du label « patrimoine du
XXe siècle ». Aussi, pour l’avocat Didier Bernheim, il
appartient à toute collectivité publique de « veiller au respect du patrimoine architectural contemporain »
dont elle est propriétaire.
On aurait pu penser en effet que l’intégrité d’un musée
récent, issu des grands projets du président François Mitterrand, bénéficierait
d’une protection implicite. On aurait pu croire que la Direction régionale des
affaires culturelles (DRAC), service déconcentré du ministère de la culture, et
l’architecte des bâtiments de France, rattaché à la DRAC, se seraient opposés
au projet d’extension. Ils l’ont au contraire validé. La manifestation « Marseille
2013 » a probablement prévalu.
Sans doute les services de Frédéric Mitterrand ont-ils
porté plus d’attention aux vestiges d’un cirque romain proche du musée arlésien
et à la valorisation des pièces archéologiques qu’à l’écrin greffé sur le musée
d’origine. L’importance du sujet a pu leur échapper, car ils n’ont pas jugé
utile de solliciter le Service des musées de France. Ironie de l’histoire,
celui-ci apporte son expertise à la réhabilitation d’un musée d’Arles, le
Muséon Arlaten…
Cette affaire Ciriani arrive alors que se multiplient les
menaces sur des bâtiments modernes et contemporains. Dans une pétition récente
contre la destruction d’un immeuble de leur confrère Pau Chemetov, construit en
1983 à Courcouronnes (Essonne), 25 architectes français renommés évoquent une
ribambelle d’édifices menacés, dont celui de Ciriani.
La balle est dans le camp du ministère de la culture,
assez réticent à classer le patrimoine moderne, sans doute pour ne pas nuire
aux projets des collectivités. « La
culture ne vaut que si on la partage », peut-on lire sur une affiche
du conseil général des Bouches-du-Rhône pour promouvoir « Marseille 2013 ».
Sur l’affiche figure l’extension du musée à Arles.
Article paru dans le supplément Culture et Idées du journal Le Monde du samedi
8 septembre 2012
A PROPOS DE CORBU
Plan Voisin Paris 1925
La pensée de Le Corbusier se situe à une époque historique précise, l’époque héroïque de l’entre-deux-guerres, dont l’enthousiasme débridé, l’ambition esthétique et la foi sans faille dans le progrès sont les caractéristiques majeures. Tout dans l’époque actuelle s’y oppose.
Les
principes
d’urbanisme de Le Corbusier –La Charte d’Athènes– étaient
des efforts pour rationaliser les activités humaines dans le but
d’éclairer la
pensée urbaine afin de résoudre des problèmes tels l’hygiène (horreur
des rues corridor rendues responsables des maladies), le mitage du
territoire, etc.
en introduisant dans le projet une vie nouvelle, la paix acquise, le
confort du
sport et des loisirs retrouvés.
Ces
principes simples furent détournes par l’avidité des intérêts économiques
s’emparant de cette esthétique de la nudité à laquelle fut enlevée toute la
générosité spatiale (voir l’immeuble –villas ou « une maison, un
palais »).
Pavillon de l'Esprit nouveau Paris, 1924
Pavillon de l'Esprit nouveau Paris, 1924
Ce que nous devons conserver de l’héritage de Corbu, c’est sa foi, sa capacité à créer un projet unique pour une architecture où se mêlent avec la même intensité l’idéologie, l’ergonomie, le confort humain et la technologie, et aussi la grande cohérence projectuelle, malgré le passage d’une esthétique machiniste lisse et blanche â celle, plus organique intemporelle et plastique qu’il développe après la deuxième guerre mondiale. Son discours --son langage architectural-- d’une continuité sans faille, lui permet de créer des prototypes pour la ville verticale en faisant du logement le générateur des morphologies urbaines modernes.
Ce n’est
pas sa pensée qui fait des dégâts mais son détournement, c’est surtout que sa
pensée est tombée dans les mains de gens sans scrupules ni talent.
On lui
attribue la théorie de la tabula rasa –pour ses plans qui installèrent des systèmes
de Gratte–ciels dans le centre de Paris. Le problème c’est que c’était la ville
idéale du XIXe. En démolissant on arrive à tout et son contraire. Car si l’on
prend le Londres d’aujourd’hui qui possède dans son centre une collection de
tours sans aucune harmonie, sans aucune amitié ni désir de partage entre elles
on voit la différence avec Rotterdam où l’on a réellement pratiqué la tabula
rasa, où nous avons un bon exemple de ville moderne réussie. Je pense que
c’est en s’appuyant sur une ville comme Paris que Corbu sut attirer l’attention
de ses contemporains vers l’urbanisme moderne, par sa transgression, par sa
rupture avec la ville du passé, par sa force, son idéal…et surtout par sa
nouveauté.
Aujourd’hui,
ses détracteurs ne cherchent qu’à se faire remarquer car ils ne peuvent ni
incarner une nouvelle pensée urbaine ni faire preuve d’une grande créativité.
C’est par leur opposition à Corbu qu’ils trouvent un écho médiatique.
H.Ciriani décembre 2005
Ce texte, commandé par Michèle
Champenois, fut écrit pour figurer dans un supplément du Monde. Les illustrations ont été ajoutés pour le blog
ARLES - PHOTOS DU CHANTIER EN COURS
LE DOSSIER D'ARLES: CHRONOLOGIE DES EVENEMENTS
Note aux lecteurs intéressés par le dossier d'Arles
Nous avons mis en route un autre blog, dédié exclusivement à Arles, où l'on peut trouver toutes les informations nécessaires à la compréhension du problème en cours :
Veuillez vous y référer désormais.
MUSEE D'ARLES
Le
concept architectural: le triangle, en écho à l’architecture romaine, pour
capter la lumière
Le
triangle est une figure qui s’articule en hélice autour d’un centre. Il répond
parfaitement au programme qui demandait un circuit court et un circuit long.
Mais il représente aussi une sorte de défi: fermé sur lui-même, il est
indéformable au niveau constructif, à l’opposé en cela d’une certaine image de
l’espace moderne, par définition libertaire, qui aurait plutôt tendance à
s’échapper. Comment laisser ouvert un triangle sans dénaturer son essence
triangulaire? Cette interrogation rejoint mes préoccupations de toujours:
comment fermer un espace ouvert, comment ouvrir un espace fermé? L’hélice, en
traitant son centre vide et théoriquement fermé, en l’ouvrant sur le ciel et en
construisant le long de ses bras, permet qu’on ouvre l’espace sur les trois
directions.
Le
programme s’intègre logiquement dans cette figure, avec ses trois secteurs: le
scientifique (qui regroupe les opérations de restauration, d’exposition
temporaire puis de stockage ainsi que l’école de fouilles), le culturel (où
s’effectue l’enseignement, avec foyer, bibliothèque, auditorium, école des
guides et administration) et l’exposition permanente.
Les
secteurs scientifique et culturel forment deux bâtiments qui tiennent entre eux
le musée proprement dit. Ils sont travaillés dans une relative souplesse car
leur façade, constituée par des parois autonomes revêtues d’Emalit bleu, ne
leur appartient pas. La symbolique et l’échelle de ces parois n’ont pas à tenir
compte d’une logique interne particulière.
La
façade principale est perpendiculaire à l’écluse du canal d’Arles à Bouc, ce
qui permet d’ancrer le bâtiment sur un élément artificiel. Cette première
paroi, face à la ville ancienne, n’a pas de développement. Elle est l’acte
fondateur du projet en même temps que la façade de l’immense cirque qui la
jouxte et dont les fouilles sont en cours. Derrière elle, l’aile culturelle
apparaît comme un bâtiment blanc sur pilotis à l’interieur de la cité. De cette
première paroi naît la seconde, face au canal, qui va gouverner l’aile
scientifique vers la pointe de la presqu’île, laquelle introduit le musée face
au Rhône avec son extension vers la ville.
Au
centre, le patio contient un grand escalier qu’on emprunte pour achever sur le
toit le parcours muséographique. Cet élément remplit le vide central, donne la
direction de l’hélice en même temps qu’il la stoppe. On arrive à la hauteur de
la cime des arbres. Le musée ici se fond avec son territoire. Ce toit constitue
la quatrième façade de l’édifice, tout aussi importante que les trois autres et
révélatrice de l’organisation interne par son système d’éclairage zénithal.
L’architecture de l’ensemble est très dépendante du captage de la lumière; Un ensemble de sheds ouverts au nord conduit la lumière loin du périmètre de la façade. Ce type d’éclairement issu du monde industriel a gagné dans le musée un statut proprement architectural. Ici il forme des vagues de lumière blanche et homogène qui paraissent ruisseler, échappant au plafond.
L’architecture de l’ensemble est très dépendante du captage de la lumière; Un ensemble de sheds ouverts au nord conduit la lumière loin du périmètre de la façade. Ce type d’éclairement issu du monde industriel a gagné dans le musée un statut proprement architectural. Ici il forme des vagues de lumière blanche et homogène qui paraissent ruisseler, échappant au plafond.
Un
autre type de lumière (qui peut être qualifiée de réfléchie) est obtenue par
des potences qui captent la lumière solaire et lui donnent une texture plus
colorée. Enfin, les lumières dites « de vue » entrent par des
ouvertures toujours cadrées sur le paysage et mises en tension pour que
l’espace ne s’échappe pas.
L’Emalit
bleu teinte cette lumière d’une nuance plus froide. Ce matériau et cette
couleur étaient déjà présents dans des projets plus anciens (notamment celui de
l’Opéra-Bastille) où ils obéissent à une syntaxe précise (bleu pour les
éléments contextuels, rouge pour les parties clairement fonctionnelles). A
Arles, le bleu se réfère plus simplement à la couleur du ciel provençal, si
intense.
Les
évolutions du programme depuis le moment du concours ont déjà permis de
vérifier la pertinence de la figure triangulaire. Ce qui était le musée de
l’Arles antique est devenu l’Institut de Recherche sur la Provence Antique. On
est passé de 6000 à 7400 m2 sans qu’en soit affecté le concept de base.
MUSÉOGRAPHIE DU MUSÉE DE L’ARLES
ANTIQUE
Nous avons voulu renouer avec le musée
palais de l’art au même titre qu’outil pédagogique, lieu où se trouvaient les œuvres
créées sous l’emprise des muses et où se réunissaient les sages. Nous voulions
ajouter aux missions de montrer, enseigner et comprendre, celle d’émouvoir.
Le choix des matériaux fut
fondamental, ainsi que les techniques de leur exécution visant à intégrer l’art
pictural autant dans les cartes, plans et dessins que dans les textes, dont
certains sont de grandes textures murales. Le stucco antico des cimaises permet une polychromie adaptée à la
collection tout en véhiculant des sensations proches du caractère festif des
monuments de la « petite Rome. »
Le caractère unitaire de l’ensemble
muséographique tient au respect d’un vélum de 2,30 m d’où n’émerge que le buste
monumental d’Auguste.
Chaque partition de l’espace est
organisée pour offrir à la pièce montrée la protection nécessaire à sa présence
sous le manteau unitaire des nuages de stuc qui planent à plus de cinq mètres
de hauteur.
Le parcours suit chronologiquement
l’histoire du pays d’Arles, depuis la préhistoire jusqu’au christianisme en
passant par la période hellénistique et la colonie romaine.
La collection elle-même est
représentée avec trois temps forts: le centre de l’exposition accueillant la
statuaire, la fosse aux mosaïques et l’allée des sarcophages.
Une grande quantité d’information
écrite est distillée discrètement au travers du musée dans le but d’accomplir
un petit rêve commun à tout enfant: pénétrer l’intérieur des pages illustrées
d’un livre.
Nous comptons sur la grande qualité
des matériaux, sur leur mise en œuvre, ainsi que sur la qualité artistique des
intervenants pour faire que rien ne détonne dans un ensemble qui devra
apparaître parfaitement maîtrisé, où les parties appartiennent au tout et
réciproquement.
Henri Ciriani
Mars 1995
Textes du dossier de presse pour l'inauguration du bâtiment le 25 mars 1995
(les illustrations ont été ajoutés pour le blog)
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