DES MUSÉES, PAS DES BUNKERS

 A mon avis,il n'existe pas de très mauvais musées. Vraisemblablement ce genre de programme architectural recèle quelques facilités.
A l'exception de l'espace de l'entrée.
Les racines historiques du musée m'apparaissent doubles: d'une part le palais (tels le Louvre ou l'Ermitage) conçu comme un lieu d'accumulation, d'autre part la ruine sur un site archéologique utilisant le lieu même de la fouille à des fins de présentation. 
L'époque moderne n'a rien inventé, si ce n'est fomenté une querelle absurde entre lumière naturelle et lumière artificielle. Pourquoi concevoir des bunkers obscurs pour des oeuvres qui ont été peintes à la lumière naturelle?
Au moment du concours d'Arles, je me suis penché sur les musées de Le Corbusier (musée national des Beaux-Arts de l'Occident à Tokyo) et de Frank Lloyd Wright (Solomon R.Guggenheim Museum à New York). Tous deux proposent un parcours en spirale se déployant en périphérie, le premier selon un schéma carré, le second circulaire. Moi, pour le musée archéologique d'Arles, dans ce registre j'ai fait mieux que Le Corbusier car le triangle (outre que c'est une figure jamais tentée) permet d'aller plus rapidement d'un point à un autre.
Au centre un vide constitue une place, bordée sur les côtés par trois corps de bâtiment, et draine un peu, à l'intérieur, l'espace public urbain. A l'extérieur, le choix d'un revêtement bleu en référence au ciel, la dimension première de l'architecture, souligne le musée comme artefact et confère au projet une très grande abstraction.
A Péronne, pour l'historial de la Grande Guerre, le contexte diffère puisque je m'accole le long d'un château médiéval. Ce bâtiment, dressé sur pilotis, ressemble à une colombe ou une main posée à terre. Les parois extérieures, pour l'essentiel aveugles, se voient hérissés de tétons évoquant les tombes ou croix des cimetières militaires. Pour autant je ne veux pas que l'architecture tienne, comme chez certains, au design d'un boulon ou d'un téton. Un projet parfait est un projet sans détail!

Entretien de Marc Bédarida
publié dans la revue Beaux Arts Magazine n°65 de février 1989